« Nous avons la passion de nos métiers et nous voulons en vivre – pas juste survivre »
Depuis 2013, l’Association des costumières des arts de la scène et de l’audiovisuel, Costumière&Cie, se réunit régulièrement à Genève pour partager librement des conseils, coups de cœur et aussi, parfois, des problématiques liées à nos conditions de travail.
Le mouvement de la Grève du 14 juin, nous donne l’opportunité de faire un constat et de le partager, afin d’initier des changements dans l’approche de nos métiers trop souvent sous-estimés ou dévalorisés.
Costumière, couturière, habilleuse : métiers de l’ombre ?!
Notre travail est trop peu considéré, et les compétences requises insuffisamment reconnues. Nous exerçons des métiers des arts de la scène et de l’audiovisuel parmi les plus féminisés d’où en résultent des discriminations genrées. Pourtant, notre travail est sur le devant de la scène, au même titre que la lumière, le décor ou tout élément visuel qui construit l’identité d’un personnage ou d’un lieu.
Un film ou un spectacle ne peut se monter sans une collaboration entre les savoir-faire de différents départements artistiques. Or aujourd’hui, nous constatons qu’il n’est pas rare que ce qui concerne les costumes soit considéré comme quelque chose de facile, évident ou superflu. En conséquence, la part budgétaire allouée est généralement insuffisante.
Les métiers du costume sont trop fréquemment considérés comme des passe-temps ou des à-côtés et non comme des professions, méritant une visibilité et une rémunération à leur juste valeur.
En conséquence, voici les principaux problèmes rencontrés par nos membres :
° Proposition de mandats trop tardifs
Souvent faites un mois avant le début des répétitions, parfois moins. Pas de possibilité de s’organiser en amont, ce qui engendre un surmenage important.
L’impossibilité de planifier le travail oblige, parfois la costumière à refuser d’autres mandats qui, avec une bonne planification seraient réalisables en parallèle. Cela constitue donc une importante perte de revenu.
° Budget peu ou pas estimé en amont
L’enveloppe est généralement annoncée sans discussion préalable avec les professionnelles, et n’est pas calculée en fonction du style, de l’époque, du nombre de comédien.ne.s ou de tenues. De plus, l’habillage et l’entretien sont souvent absent de la proposition.
D’ordinaire, l’avance financière pour le matériel est allouée tardivement, ce qui contraint les professionnelles à engager leurs ressources personnelles.
° Temps de travail peu ou pas considéré
Les mandats se présentent généralement de façon non formalisée et font l’objet d’une rémunération globale : pas de détail ni cahier des charges, pas d’évaluation des heures ni des compétences requises. Voici toutes les tâches concrètement réalisées par les costumières, couturières et habilleuses, qui devraient, chacune, faire l’objet d’une évaluation des heures, selon ta taille et la complexité du projet :
Création
- Conception avec la/le metteurs.euses en scène
- Lecture du texte, scénario avec prise de notes
- Discussion avec l’administration
- Découpage par personnage, rédaction de la conduite
- Recherche, création et formulation de propositions
- Séances avec l’équipe technique et la/le metteurs.euses en scène
- Inventaire détaillé des costumes
- Participation aux répétitions
Réalisation
- Recherche de pièces et matériaux, outils, techniques et prestataires le cas échéant
- Séances avec l’équipe technique et la/le metteurs.euses en scène
- Temps de la réalisation (patronage, moulage, coupe, couture, patine, transformations, parfois menuiserie et travail du métal, etc.)
- Essayages
- Participation aux répétitions
Habillage et entretien
- Discussions avec la costumière pour le relais de la responsabilité des costumes
- Participation aux répétitions et mise à jour de la conduite
- Entretien des costumes avant et après les répétitions et représentations (précédé de tests de lavage des matières)
- Mise en place des costumes en loge et au plateau, effectuer les changements rapides
- Accompagnement physique et psychologique des artistes
Les tâches d’habillage et entretien sont fréquemment assumées en sus par la costumière, par des bénévoles ou encore les comédien.en.s eux-mêmes !
Les costumières se retrouvent dans l’obligation de “se débrouiller” pour trouver un compromis entre les ressources à disposition et une qualité optimale du résultat attendu. Il en résulte systématiquement un salaire horaire dérisoire.
° Salaire irrégulier, non conventionné
Certains théâtres à Genève ont, aujourd’hui, régularisé les tarifs des couturières et habilleuses à celui des techniciens. Nous espérons que cela se propagera dans toutes les institutions de Suisse Romande.
Concernant les costumières, actuellement il n’existe aucune convention salariale des équipes de créations des arts de la scène. De plus, nous avons remarqué une très grande disparité en discutant avec nos collègues de création dont les métiers sont exercés en majorité par des hommes (éclairagistes, compositeurs, scénographes, etc.).
° Espace de travail et matériel manquant ou absent
Dans les théâtres, il n’y a généralement pas de locaux équipés mis à disposition pour bon déroulement du travail : source de lumière, machine à coudre, mercerie, fer et planche à repasser, portants, évier, machine à laver, produits d’entretien, étendage et même bacs à linge. En conséquence, les professionnelles doivent amener leur matériel personnel.
° Visibilité des métiers
Le manque de considération et de place accordés à nos métiers se remarque de façon notable sur les supports de communication des théâtres. Les noms des professionnelles ayant travaillé aux costumes sont trop souvent absents des programme de saison, affiches, flyer ou fiches de salle.
Pour conclure, nous souhaitons relever que la prise en compte de ces différents aspects, est toujours bénéfique à la qualité d’un spectacle.
Que peut faire l’Association Costumières&Cie ?
– Être un partenaire de discussion avec les administrateurs.trices, producteurs.trices et metteurs.euses en scènes, sur tout ce qui concerne le budget alloué aux costumes : cahier des charges, estimation et gestion.
– Demander au syndicat SSRS (Syndicat Suisse Romand du Spectacle) de faire une proposition de CCT pour les métiers de création en s’appuyant sur celui de la SSFV (Syndicat Suisse Film et Vidéo).
– Inviter les théâtres de la Suisse Romande à investir dans un minimum de matériel de travail ainsi qu’à les conseiller dans cette démarche (adéquation entre les ressources et les besoins).
Et vous ? Sur ce constat, que comptez-vous améliorer dès la saison prochaine ?
N’hésitez pas à nous contacter par mail pour échanger sur ces sujets :
info@costumieres-et-cie.ch